dimanche 23 octobre 2011

C'est comment d'être en maths sup ? (1)

Quand Docmam a raconté le quotidien de sa première année de médecine, ça m'a donné envie de raconter celui qui était le mien en maths sup - maths spé. Je n'ai malheureusement pas sa mémoire, mais je vais essayer.

J'étais en seconde et je venais de choisir de ne pas aller en L comme je l'avais toujours prévu mais en S quand j'ai appris l'existence de ces classes prépa. Par ma mère. Celle-ci ne voulait surtout pas que j'aille à la fac, vu le bazar que c'était. On m'a vaguement expliqué le principe, on m'a beaucoup beaucoup dit que c'était deux ans durs mais après c'était peinard*.

A l'époque, j'étais relativement sans opinion sur la question. A la maison comme au lycée, j'étais une élève/fille pas chiante avec des bonnes notes, et je ne pensais pas vraiment à remettre en question ce qu'on me disait. C'est donc un peu avec un haussement d'épaules que j'ai accepté la destinée qu'on voyait pour moi.

On m'avait même choisi le lycée. Un grand havre de prépas, scientifiques comme littéraires, dans le centre-ville d'Orléans. Où j'ai retrouvé d'autres camarades de classe de terminale, mais qui sont tous allés en Maths-Physique alors que j'étais en Physique-Chimie. Ma mère a joué auprès d'une mère de ses élèves, professeur dans ce lycée, pour que je sois dans "la bonne classe" des deux ; finalement elle nous a dit n'avoir rien eu à faire, le hasard m'y avait déjà mise, et ça n'aurait sûrement rien changé.

Je me rappelle de la rentrée en première année. Un préfabriqué surchauffé, censé être provisoire, toujours planté comme une verrue au milieu de la cour du lycée 5 ans après à l'heure où je vous parle. En contrepartie, un bâtiment de sciences tout neuf.

La salle comportait des rangées de 8 tables, divisées en deux par un couloir central

J'habitais chez une amie de la famille, dans le nord d'Orléans. Tous les jours je prenais le bus. Le 8 ou le 9, les deux faisaient le trajet en un temps équivalent.

Je me suis assise dans le fond de la salle en compagnie d'un mec avec qui j'avais sympathisé un peu avant. On s'entendra toujours, mais comme chaque année dans un nouvel endroit, c'est jamais les camarades du début qui deviendront mes proches.

Je me rappelle de cette fille, qui a demandé le silence pour se présenter, expliquer qu'elle était malvoyante et demander à ce qu'on en tienne compte : lui laisser les places devant, etc. Je me souviens que comme ça, cash, devant 36 inconnus avant que tout commence, j'avais trouvé ça super courageux. On est devenues amies assez vite.

Distribution des groupes de colles. Dans d'autres lycées on dit kholles, je sais, mais pas chez nous. Juste colles. Des interros orales, deux par semaine, par groupes de trois. Je suis avec deux gars complètement inconnus, dont l'un, D., deviendra un bon camarade. Il habitait Nantes, vraiment Trifouillis-les-Oies, et n'avait pas eu ses voeux d'avant plus proches de chez lui. Y a vraiment des classes trop bonnes au lycée Clémenceau.

Les semaines passent.

Les cours. Des heures entières, passées à gratter, à comprendre ou à paniquer de ne pas comprendre. J'ai réalisé à quel point la transe était prenante en contemplant le temps qu'il m'a fallu pour en émerger le jour où ma prof de maths est tombée dans les pommes. Heureusement que d'autres ont été plus rapides. Les cours d'anglais, où déjà bilingue je roupillais presque autant pendant les cours de grammaire que je majorais les devoirs. Les cours de français-philo, une farce, où tout le monde s'ennuyait, où le prof rendait l'oeuvre la plus passionnante soporifique (jamais réussi à finir Malebranche cette année-là... ni Proust d'ailleurs, déjà impossible en 1ère). Je roupillais tout court mais avais des notes honnêtes. L'allemand, optionnel, le mardi soir il me semble. Une traduction à faire par semaine, donnée sur un tit bout de feuille volante. Ca a entretenu mon allemand, sans m'apprendre grand-chose...
Les autres, où je suivais tant que je pouvais. La physique, où j'ai cartonné la première partie sur l'optique mais commencé à m'écrouler après pour ne plus me redresser. Les sciences de l'ingénieur, qu'heureusement j'allais arrêter en décembre pour la chimie à plein temps. La chimie justement, où j'ai découvert que vraiment, à vie, je serais nulle à chier en synthèse organique et en chimie quantique, mais que tout le reste m'intéressait. Les maths, où en général je réussissais bien, mais avec un peu de mal en analyse et des facilités en algèbre linéaire. C'était toujours ça de pris. L'informatique sur Maple de temps en temps, ça ça se passait pas mal du tout, j'aime bien la programmation et ma filière était peu exigeante.
L'assistante de mon amie malvoyante qui comprenait parfois mal ce qu'elle devait prendre en note, surtout si le prof écrivait au tableau comme une patate.

Les TP. Physique et chimie. J'avais parfois un peu de mal au labo, et l'écriture des rapports, c'était un peu comme on avait le temps, il faut le dire... On a bien dû avoir des TP de SI, mais je serais bien incapable de m'en souvenir...

Les TD, seulement quelques heures par semaine, passées à gratter en compagnie d'une feuille d'exercices le plus souvent. On était pas trop trop chauds pour passer au tableau, à part les boss...

Les colles aussi. Deux colles par semaine, une heure pièce. Y a un bâtiment spécial pour les colles au fond de la cour. Le bâtiment mystérieusement nommé HTK (sachant que par ailleurs on avait A, C, B qui avait été démoli, et S pour les sciences, je me demande toujours pourquoi HTK) et rebaptisé HTKC par les élèves** était spécialement dédié aux colles. Mais il était trop petit, on avait aussi des colles en salle de cours. Les créneaux de colle changeaient à chaque fois, mais une semaine on avait colle de physique et colle de chimie ou sciences de l'ingénieur, la suivante maths et anglais, et on recommence. Et il ne fallait surtout pas oublier nos sacro-saintes fiches de colle, avec le nom et un tableau géant, une colonne pour la date, une pour les sujets et une pour la note. Saintes Archives. A rendre au prof à la fin du trimestre. Je les rangeais toutes dans un lutin de 10 pages, en permanence dans mon sac.

En anglais, l'épreuve consistait à écouter un texte, le résumer et discuter du sujet. 20 minutes de préparation, 20 de passage. On passait les uns après les autres, chacun parlait pendant que le suivant préparait, on choisissait l'ordre à l'intérieur des groupes de colles. Si personne ne passait avant soi (le tout premier créneau de passage), on avait au lieu du support sonore un texte écrit, qu'on récupérait dans un casier et qu'on préparait à l'avance.
On nous avait aussi fait acheter un bouquin. Chaque fois on était interrogés sur le vocabulaire d'un chapitre et les verbes irréguliers.

Dans les autres matières, c'était toujours pareil. Le prof assis à son bureau, chaque élève debout avec sa craie devant son tableau. Dans les grandes salles avec deux grands tableaux, on tirait au sort qui aurait un tableau entier et qui une moitié. Question de cours et un exo. La joie quand tu maîtrisais le point, la détresse quand "pitain j'ai rien pigé", l'envie aussi face à un co-colleur qui a un sujet plus sympa. Parfois réciproque, l'envie. La désapprobation du prof quand quelqu'un avait oublié sa fiche. Le soulagement à la fin de l'heure.

La colle de français trimestrielle, aussi. Un texte à commenter et discuter à la lumière de ce qu'on étudiait. A une par trimestre, je m'en souviens à peine.

Les devoirs surveillés le samedi, de 8h30 à 11h30 dans la salle des devoirs. Trois classes. Chacun sa place. Moi au premier rang de la colonne 4, en face du bureau, dont de temps en temps quelqu'un escamotait la table (drôle). En alternance, maths, physique et chimie.
Les devoirs à la maison, ou DM, en alternance également, pas mal travaillés en groupe, mais jamais notés justement pour cette raison. Curieusement je me rappelle bien de ceux de maths mais pas des autres...

Le TIPE, projet personnel le jeudi après-midi, où on bossait sur l'encre effaçable avec deux amis. On a fait de notre mieux, mais ce n'était pas extraordinaire...

La vie perso par là-dessus, que j'essayais de maintenir. Mon meilleur pote, lui aussi en prépa au sud de ma ville, avec qui on buvait un café quand on pouvait. Le petit ami helvète que j'ai adoré, mais qui m'a quittée en avril et m'a causé une dépression monstre et quelques bêtises. Ma communauté Internet chérie qu'un serpent et l'abus d'autorité des admins a démolie. Et les nouveaux amis que je me faisais. C. et L., D. et F., J. et G. Les heures qu'on passait dans une salle de cours vide à réviser, le temps passé dans la queue au self-service, les samedis chacun dans son train, pour moi TER de 12h02 à destination de Tours avec D. et F. Arrivée vers 13h à la maison... et sieste l'après-midi le plus souvent. Retour le dimanche en fin d'après-midi, vers 18h30.

Les petits événements dont on se souvient, aussi.

Les soirées passées à faire des DM et courir après le dernier bus.

Mon coup au coeur quand j'ai vu le mec qui me plaisait tellement quand j'étais au lycée tranquillement assis à la même table que mes compagnons de TIPE au CDI. J'ai senti l'ado de 15 ans revenir d'un coup par-dessus celle de 18.

C. dont le TIPE était un projet sur un machin magnétique qui défiait la gravité. J'ai oublié le nom de la chose mais pas le jour où elle m'est foncée dedans dans un coin du bâtiment des sciences, hurlant de joie avec son truc qui marchait pour la première fois, alors qu'elle courait pour récupérer mon APN. C. toujours qui présente son projet de façon complètement fofolle en soutenance, j'essayais vainement de contenir un fou rire au fond de la salle.

Le matin de février à la cafet devant un café où, alors que je m'apprêtais à annoncer à C. que j'avais un amoureux, elle a réussi à sortir "nan mais je rêve, Machine a un mec, pourquoi c'est toujours les cons qui arrivent à se maquer ?"

Le matin de la journée portes ouvertes où je suis arrivée en retard pour cause d'employé de la gare pas capable de donner rapidement des billets de train pour la Suisse (TGV Est n'existait pas encore à l'époque)... Même avec la 12-25 j'en ai eu pour une fortune...

Ma réaction devant le délégué qui m'annonce que je suis 4e de la classe en moyenne générale : rigoler, avant de comprendre que c'est vrai...

Ce mauvais jour de juin où, massacrée par ma rupture, j'ai accepté un RDV avec un mec que je connaissais à peine. Il apparaît (étrangement ^^) qu'assister au même accident de voiture ne suffit pas à faire de deux inconnus un couple solide.

L'unique soir où j'ai vu la bande de mecs sans voix. Pendant la période où on avait des cours de mécanique du solide avec des centres de gravité dits "points G", alors qu'on discutait un de nos soirs de DM, inévitablement, le mec qu'est D. s'est moqué des phrases à double sens involontaire de cette prof. Jusqu'à ce que l'innocente du paquet demande
"Mais c'est censé faire référence à quoi d'autre le point G ?"
......................
A dix-neuf ans passés, ça nous a quand même un peu surpris, j'avoue.
(Conclusion : "Bon ben Seer, t'es la seule autre fille, c'est toi qui expliques..."... Ben tiens.)

La surprise générale en juin lorsque, malgré un top 5 de la classe, je n'ai pas été prise en classe étoile, censée rassembler les meilleurs élèves.

Ma demande à la fin, au lieu d'habiter en ville, de rejoindre l'internat et me mettre en co-chambre avec ma fofolle de meilleure amie.

Et en deuxième année, on reprend tout...

* Je me marre bien quand j'y repense. Aujourd'hui je bosse bien davantage. La seule différence, c'est que la raison est bien meilleure que la réussite à une série de concours.

** La par contre c'était facile à comprendre. "Ah, je t'ai cassé", on retrouve bien l'esprit des colles.