samedi 29 mai 2010

Seer et la littérature

Alors j'adore lire, faut pas croire ; j'aime beaucoup les bons bouquins, les trucs sérieux ou moins sérieux, peu importe.

Mais quand j'étais en première, avec les cours de français, j'ai compris que jamais, jamais, je ne mettrais les pieds dans une filière littéraire. Et j'en ai eu une réminiscence pénible il y a deux jours. Pas que je sache pas écrire, quoique - une orthographe très correcte, un minimum d'imagination mais un style pas du tout agréable à lire.

Mais l'interprétation de texte, c'est trop nébuleux pour moi. L'impression persistante qu'en poussant les choses assez loin, on peut faire dire tout et n'importe quoi à un bout de texte. Surtout les extraits, qui n'ont pas du tout le même impact sur l'esprit quand on n'a pas lu le reste.

Qu'on ne se méprenne pas, je ne considère pas que c'est quelque chose d'inutile ou d'absurde, loin de là. Juste que c'est pas pour moi.

Je vous raconte.

Il y a deux ou trois jours, j'ai remarqué dans les stats de mon autre blog un grand nombre de gens venant de cet article. Assez intriguée par le rapport somme toute très lointain entre les deux thèmes, je l'ai lu, et j'ai fini par retrouver le lien : ma citation de Primo Levi sur le zinc. Ce livre est un de mes préférés, avec ses réflexions toutes simples sur plein de choses.

Et un type a démoli le passage dans les commentaires, comme quoi
- l'argumentation est "pitoyable et nulle", et le fascisme se porte bien avec de tels adversaires
- on ne pense impureté que parce qu'on pense pureté, et donc en faisant l'éloge de l'impureté on fait indirectement celle de la pureté
- il est contre l'homosexualité car selon lui c'est "de la pureté car il n'y a pas de mélange"
- "La bonne démarche est de construire les fondations de notre société en éliminant le recours à toute notion de pureté-impureté"

Hum. Je n'en ai pas la preuve, au contraire, mais j'ai l'impression que ce type n'a jamais lu Levi et se permettrait de se faire une opinion catégorique à partir de quelques lignes.
- point 1 : ce n'est pas une argumentation, en tout cas ça n'y ressemble pas. J'aurais tendance à penser que le texte veut juste dire ce qu'il dit : avec de telles pensées sur la vie, tu es (et il était) incompatible avec le fascisme. On ne dirait pas qu'il tente d'imposer son point de vue à quiconque...

- points 2 et 4, ils vont ensemble : je cherche un autre mot, mais honnêtement j'ai beau chercher, je sèche. Impureté est le terme chimique, à défaut d'être politiquement correct et de dire "différent". Et j'ai beau chercher, je ne lis dans le texte qu'une acceptation, voire une apologie de la différence au sein d'un peuple, je ne vois pas comment ce qui se veut, sinon une critique, du moins une non-adhésion au culte de la "pureté", à un "recours" à ladite pureté. Terme qui dans son argumentation ne signifie pas grand-chose, soit dit en passant. Et effacer toute référence à pureté/impureté, ou faire l'éloge de l'impureté/différence, me paraissent deux démarches tout aussi valides l'une que l'autre.

- point 3 : oh la belle extension. L'"impureté" d'un morceau de zinc est à l'échelle d'une population pas formatée, pas d'un couple. Ca n'a rien à voir, et je pense qu'il se retournerait dans sa tombe. Et puis surtout, surtout, dans l'homosexualité il n'y a pas de mélange ? C'est beau de considérer que des gens sont réduits à leur sexes, et que deux mecs (ou deux filles) sont identiques. Quelqu'un dit qu'il trouve "douteux [voire insultant] d'assimiler l'homosexualité au refus de l'autre", je me sens moins seule.

Sans parler de celle qui demande "pourquoi faire la promo d'artistes aussi médiocres ? ; je sais pas pourquoi, mais madame Jugement-de-Valeur with the particule me hérisse déjà...

Pourtant j'y ai réfléchi, à son point de vue, je ne vous livre pas une opinion catégorique là comme ça. J'ai essayé de comprendre sa logique. Je n'y suis pas parvenue.
Ai-je l'esprit si étroit que ça ?

Bref, tout ça pour dire que l'interprétation d'un texte, au-delà de ce qui y est clairement dit et éventuellement de références à la réalité historique évidente, ça me passe par-dessus la tête.
Vraiment.

2 commentaires:

  1. bonjour,
    je découvre ton blog, par le biais de celui d'ingliche titcheur, et je ne peux m'empêcher de réagir à ce que tu dis sur le commentaire de texte, parce que je suis en train de passer le Capes pour devenir prof de lettres...
    Je suis on ne peut plus d'accord avec toi ! Je pense que le commentaire de texte est une perversion de spécialiste, qui n'a pas grand chose à voir avec le fait d'aimer la littérature, ni même avec le fait de comprendre un texte. Ce que je veux enseigner à mes (futurs...) élèves, c'est le plaisir de la lecture, et aussi à repérer, pour mieux les apprécier, les éléments qui font le style d'un auteur, ou encore l'ironie, le second degré... je veux leur apprendre aussi à toujours chercher le sens des choses, sans se laisser bercer/berner par de belles phrases, pour qu'ils ne tombent pas dans le panneau de la publicité ou de discours politiques racoleurs. Je ne vois effectivement pas l'intérêt de disséquer un texte en lambeaux désarticulés et vides de sens (ou pire, auxquels on peut assigner n'importe quel sens, comme tes exemples le montrent très bien...)
    Voilà, juste pour dire que ça m'a fait du bien de te lire, et de pouvoir exprimer le fond de ma pensée sur le sujet !
    Au fait, ton pseudo a quelque chose à voir avec la trilogie "midnighters", ou pas du tout ?

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  2. Camichka, je suis heureuse d'avoir le soutien de quelqu'un de la profession, t'imagines pas !
    Pour ma part en tant qu'élève je me débrouillais plutôt pas mal dans le commentaire composé, j'ai fait ça au bac d'ailleurs, mais j'avais toujours l'impression d'être un imposteur. J'ai vite compris que je ne pouvais pas continuer à jouer les imposteurs, d'où - en partie - mon orientation scientifique.
    Mais je suis tout à fait d'accord avec toi, chercher l'humour, l'ironie, le message d'un texte, l'utilisation éventuelle d'un mot à la place d'un autre, détecter le propos sous les mots qui font joli, c'est super important et vachement plus utile que connaître le nom abscons de la figure de style ultra pas connue sans savoir à quoi elle sert.
    C'est vraiment une question de pas aller trop loin dans l'interprétation quand même, de pas faire dire ce qui n'est pas dit, mais si on va pas assez loin on prend tout littéralement, c'est pas bon non plus...
    Vraiment trop flottant pour moi cette discipline ! :D Je réponds personnellement à l'écueil en bannissant les auteurs aux propos trop obscurs de mon répertoire, je les comprendrai pas de toute façon...

    Et non, trois ans que j'utilise ce pseudo (qui pour moi décrit un peu mon objectif dans la vie : un visionnaire qui comprend le monde) mais je connaissais pas du tout les Midnighters, du coup par curiosité j'ai regardé sur Amazon, je vais peut-être essayer... Du coup j'ai passé trois heures à me demander où j'avais déjà vu ce principe de l'heure secrète, hors du temps, dans la journée.
    Réponse dans un éclair, à l'instant : mon joueur vidéo de petit copain qui jouait, il y a quelques mois, à ce jeu japonais sur PS2 "Persona 3" où il y a ce même principe, assez réussi il faut dire, d'une heure secrète hors du temps ("dark hour")dans la journée pendant laquelle seuls quelques élus peuvent rester conscients...

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