jeudi 16 septembre 2010

EN, une histoire de rancune

Haha.

Sujet douloureux abordé par Camichka sous la note précédente, l'Education Nationale. Hors sujet de mon post un peu, parce que bon y a pas que sous ce gouvernement que c'est devenu la foire. Ca a commencé bien avant.

Je voue une grande rancune à l'EN. Je trouve que c'est une usine à gaz dont on s'amuse à enlever depuis vingt ans ce qui marche le mieux. C'est le ressenti que j'en ai, et la seule idée de rechercher de la documentation partout pour argumenter le point précis qui ne va pas me donne un début de migraine. Sans compter qu'un texte avec des vrais bouts de vie dedans c'est mieux, on va dire que c'est une pierre à l'édifice pour l'instant imaginaire du ressenti des vrais gens du vrai peuple, ceux qui sont pas confinés dans leur bureau.

Le poste de ma mère, partie à la retraite cette année, n'est pas remplacé. Dans un collège de quelque 300 élèves, on passe, si j'ai bien compris, à un poste à temps plein, un à temps partiel et un vacataire pour combler les trous. Ca va être beau.

Mon copain a été enseignant-documentaliste, un poste qui depuis les années qu'il existe n'a jamais été, du moins à ma connaissance, très clairement défini dans ses fonctions. En ce qui me concerne j'ai jamais compris, durant mes sept ans de secondaire, la teneur "enseignant" du titre de la fonction. Pardon chéri. Parce qu'il n'avait pas la science infuse de la gestion de classes et de la préparation de séances, et que la formation à l'IUFM là-dessus est pour ainsi dire inexistante, il s'est fait lourder après l'année de stage. Bah tiens. C'est si facile.

Je vois le Chéwi d'Angel, qui a gagné du boulot supplémentaire pour zéro avantage en contrepartie, je sais bien que l'école n'est pas une entreprise mais je croyais que tout travail mérite salaire, on dirait que non. Je vois Ingliche Titcheur qui essaie de prendre sa rentrée avec beaucoup d'humour, et le mois gratuit qu'elle va bientôt donner à son sacerdoce avec la future peut-être rentrée au 20 août pour rappelons-le 10 mois de salaire ventilés sur douze.

En réfléchissant, je ferais bien un bilan de mes années collège-lycée, pour voir. Matière par matière, pour qu'on voie ce que ça m'a apporté.
On va quand même partir du postulat de base qu'au moins à l'époque, je faisais partie de ces premiers de classe qui se débrouillaient presque partout. Sauf en sport, évidemment. J'ai donc gentiment été en cours de :

- Français : avec son programme multicéphale grammaire/orthographe/compréhension de texte, dont les deux premières têtes avaient tendance à disparaître avec l'arrivée au lycée. En gros, les deux premières parties j'écoutais que d'une oreille parce que je maîtrisais ça depuis la primaire. J'ai un certain nombre de souvenirs assez précis, comme le prof de sixième qui m'a serré la main parce que j'avais reconnu une "interjection" dans un texte, la prof de seconde à mon utilisation du mot "sibyllin" pour décrire je sais plus quoi et qui m'a demandé de le définir pour la classe, ou un certain contrôle en 3e de révision sur le passé composé (oui, en 3e...), auquel j'avais eu un sans-faute en me faisant chier et roupillant à moitié toute la semaine de cours précédente. En ce qui concerne l'étude de texte, au collège je trouvais ça plutôt intéressant pour les procédés basiques, au lycée j'ai déjà exprimé ce que j'en pensais dans cette note.

- Mathématiques : un des cours où j'ai sans doute le plus appris, et le mieux retenu. En 6e et en 5e, on avait un certain nombre d'objectifs* à remplir. Au moins tu savais ce qui allait pas... C'était très méthodique, très organisé comme le sont souvent les profs de maths et comme tous devraient l'être à mon avis. Efficace, du moins pour moi. Mais j'ai l'impression que beaucoup trop de gens se contraignent à suivre cette matière à laquelle ils ne comprennent pas forcément tout, orientation** oblige.

- Latin : 6 ans. De cinquième à terminale. Intéressant pour la culture et les bases linguistiques que ça apporte, mais y a quand même un gros bémol. Suite à la désertion de cette option au bout de quelques années, ces messieurs dans les bureaux ont imaginé de rendre l'épreuve de bac facile*** et de revaloriser le coefficient par rapport aux autres options facultatives (coefficient 3 au lieu de 2). Une épreuve plus simple pour plus de points, ouééé, c'est bien ! Sauf que au final tu passes trois heures par semaine pendant deux ans à étudier et traduire les uns après les autres des textes sans aucun doute très intéressants, mais dont aujourd'hui j'ai pas retenu grand-chose, et certainement ces deux années ne m'ont rien apporté concernant la langue latine, et à peine plus en culture gé (4 ans après le bac, vous retenez quoi de textes à la chaîne vous ?). Je considère aujourd'hui que j'aurais pu passer ces deux années en italien (j'ai dû choisir en entrant en première, ce qui m'est toujours resté en travers de la gorge étant donné que les deux options étaient dans la même classe de 1e S et les cours pas en même temps, à cause des L qui suivaient les mêmes cours et eux pouvaient cumuler !) et en savoir sensiblement plus qu'aujourd'hui...
- Grec ancien : un an. L'année de 3e, ça ne commençait pas plus tôt et ça n'était pas proposé dans le lycée de secteur. Une heure par semaine pendant un an, résultat pour l'essentiel, aujourd'hui, le grec je sais juste le lire (l'alphabet s'entend, je comprends pas ce que ça veut dire quand je lis).

- LV1 Anglais : j'ai commencé en 6e, n'ayant pas eu de cours en primaire. J'ai eu des profs très irréguliers, mais dans l'ensemble assez bons. J'ai jamais adoré le contenu des cours, et ai essentiellement appris l'anglais en lisant des bouquins dans cette langue, en regardant des films en VO et tout ce que je détaille ici. Les cours ne m'ont guère apporté, pour cause de classes pas faites selon le niveau des élèves****... Allez voir ce que Titch dit sur l'égalitarisme, en passant... A mon sens, les cours de langues c'est vraiment pour acquérir les bases, et après faut se débrouiller, il faut que ça devienne de la vraie conversation, en tout cas pour moi ça peut pas marcher autrement.

- LV2 Allemand : j'ai commencé en 4e comme en anglais en 6e, comme une élève douée. J'ai cependant perdu tous mes repères la troisième année : j'ai eu pendant deux ans un prof catastrophique... J'ai aujourd'hui des bases solides, mais manque de vocabulaire, et les sources germanophones ne sont pas aussi faciles à trouver que les anglophones, du coup c'est beaucoup moins évident... Bref, l'Allemand est aujourd'hui lu correctement, écrit avec un peu de fantaisie, mal entendu et carrément baragouiné à l'oral.

- LV3 Italien : 1 minuscule année en seconde. Dû arrêter après, pour les raisons latinistes mentionnées plus haut. Autant dire que mes bases sont fragiles et mon italien "proprio buffo" en VO. J'essaie d'apprendre pourtant... J'aurais aimé pouvoir continuer.

- Philo : alors là, des cours intéressants, mais une épreuve finale à mon sens absolument ridicule. Une réflexion approfondie en 4h sur un sujet à décortiquer ou un document ? Réflexion express à mon avis, et ridicule, on n'a jamais imposé aux écrivains, aux chercheurs, de faire des dissertations et des bouquins en si peu de temps, sans le moindre document pour les aider et élargir leur esprit...

- Histoire-Géo : m'a fourni en sept ans un certain nombre de repères essentiels chronologiques pour l'essentiel.

- Physique-Chimie : rien appris au collège que je ne savais déjà via les livres. Peu intéressant ! Y a qu'en seconde que j'ai compris que ça me plaisait et que je finirais là-dedans. J'ai tout retenu de la chimie, bien obligée, et oublié sans doute une bonne partie de la physique... Voilà qui rendrait un potentiel Capes un peu douloureux, si je l'avais passé (ça n'arrivera pas, je refuse d'être l'employée d'une institution que je désapprouve autant).

- Technologie : m'a servi à rien de rien. Si : une brûlure sur la main gauche lorsqu'un couillon a joué avec le fer à souder. C'est pas comme ça que j'ai appris à utiliser un ordinateur, Word ou Excel. Encore moins le Net.

Voilà, c'est à peu près tout ce que je vois d'important. Musique et arts plastiques m'ont juste permis de découvrir mon goût pour la première et mon imperméabilité face aux seconds, mais ça dépend bien plus des gens que de l'enseignement.

Certes, c'est mon ressenti à moi. Mais ça montre tout de même que même pour les bons élèves, tout n'est pas parfait. Et certaines améliorations seraient simples, comme les groupes de niveau en langues, mais tu dis ça pour des lycéens on te regarde comme un caca sous la chaussure, apparemment. Le but n'est pas de créer des ghettos, mais d'éviter aux élèves des décalages intra-classe, peut-être... Pas si simple, finalement, mais sûrement pas insoluble !

Je pourrais aussi parler de mon expérience de prof particulier, de maths le plus souvent. Je pourrais parler des élèves qui, à cause de la politique du passage à tout prix, se retrouvent en première avec des profs particuliers, genre moi, qui se retrouvent à corriger des graves lacunes du programme de quatrième. Je suis désolée, ça me pose un problème un élève de première S qui comprend pas la notion de vecteur ou ne sait pas réduire une fraction. Mes excuses aux non-matheux qui me lisent.

J'oublie sûrement plein de chose, j'éditerai sûrement ce post par la suite, et je conclurai donc par des questions :
- vous avez l'impression d'en avoir tiré quoi, vous, de ces années ?
- et vos enfants, si vous en avez ?
- qu'est-ce qu'il faudrait changer à votre avis ?

Courage, Camichka. J'espère que ces premiers jours dans la fosse aux lions se passent bien.

*Je sais pas ce qui s'est passé avec cette méthode des objectifs en pédagogie, c'est un des trucs les plus efficaces que j'ai vus et pourtant c'est bizarrement disparu chez les jeunes profs... Effet de mode sans doute ? Un cours avec objectifs, une évaluation suivie de l'acquisition suivie d'un soutien si nécessaire, ça pourrait aider comme formule peut-être, mais c'est pas dans l'air du temps non plus...

** Qui a déjà trouvé utiles les conseils d'un conseiller d'orientation, en passant ? Le mien, en 3e, m'a imaginée bibliothécaire. Bravo, je suis chimiste. Il serait quand même pas inutile de souligner en terminale l'importance du choix post-bac et l'intérêt du projet professionnel, mais non, les profs voient que le bac justement. Rajoute par là-dessus un dénigrement systématique des filières pro par les profs (un peu comme le dénigrement des médecins généralistes que Gélule décrit dans cette note de son très bon blog) et tu te retrouves avec des terminales S qui savent pas quoi faire, se lancent dans un cursus histoire, archéologie ou psycho, loupent les concours de fonctionnaires et trouvent pas d'emploi, et peuvent pas reprendre leurs études car le Crous interdit la réorientation. Ben ouais, mesdames et messieurs, elles sont finies les Trente Glorieuses, le temps n'est plus où on trouve un emploi simplement en faisant des études, et le CAP serrurier trouve du boulot bien plus facilement que le Master de psycho. Je ne pense à personne, suivez mon regard.

*** En gros elle consiste à apprendre par coeur des versions et des plans de commentaires d'un certain nombre de textes, à l'épreuve (orale) le prof t'en choisit un avec un bout à traduire et tu recraches. J'ai eu 19 à ce bachotage, c'est pas pour autant que je parle latin, et j'ai beaucoup oublié...

**** Il n'y a qu'en école d'ingé où j'ai eu des groupes de niveau en anglais que j'ai recommencé à m'intéresser vraiment au contenu des cours, dépourvus des points de grammaire basiques que je connaissais déjà, et où je dormais en classe...

4 commentaires:

  1. Bon, Je te réponds enfin, alors que tes encouragements m'ont été droit au coeur... J'ai beaucoup de choses à dire, alors ça risque d'être un peu en vrac, désolée...
    - Quand tu parles de ton "passif" avec l'EN, ça me parle, parce que j'ai aussi été une bonne élève, du genre qui réussit bien et ne fait pas de bruit, mais qui s'em..., pardon, s'ennuie prodigieusement. Et si j'ai voulu devenir prof, c'est entre autres raisons pour enseigner comme j'aurais voulu qu'on m'enseigne, donc en donnant du sens à ce qu'on faisait, en stimulant la réflexion, etc...
    - En conséquence, je suis arrivée devant les élèves armée de deux convictions :
    Si mon cours est intéressant, je ne devrais pas avoir à faire (trop) la police.
    Les élèves ne demandent qu'à être considérés comme des personnes à part entières, capables d'opinions et de répondant intellectuel.
    - Donc je me suis pris en pleine figure le paradoxe suivant, une fois confrontée à la réalité : même quand le cours les intéresse, il faut faire la police, presque plus, même, que pour un cours chiant. Sinon, ça part en live, et quelques "grandes gueules" monopolisent la parole sans laisser les autres participer. Et les élèves sont capables de répondant intellectuel pour contester une punition ou pour argumenter sur le fait que "franchement c'est trop injuste de ne pas les laisser bavarder au moins un peu", mais quand il s'agit de réfléchir par eux-mêmes, à l'aide d'un travail fait en classe, sur ce qui différencie le fantastique du merveilleux et de la SF, ils préfèrent pomper des définitions de dico, même s'ils n'y comprennent rien...
    - En fait, j'ai de la chance. Je suis dans un collège de centre-ville, avec majoritairement des élèves de milieu aisé pour qui l'école est importante, mes collègues sont sympas, et jusqu'ici j'étais à mi-temps.
    - Mais à la rentrée, je serais à plein temps, je récupère deux nouvelles classes que je ne connais pas, et mes petits cons de 4E (il n'y a pas que moi qui le dis, c'est un avis général de l'équipe enseignante et de la CPE...) qui juste avant les vacances ont commencé une véritable rébellion contre ma tentative de réguler la prise de parole de manière à ce que le cours ne ressemble pas à une foire à la saucisse...
    J'angoisse, et bien qu'il me reste encore une semaine de vacances, je me réveille déjà la nuit en pensant à ce que je vais faire à la rentrée...

    voilà, en résumé, mon ressenti après presque deux mois d'enseignement. Je m'accroche, mais c'est dur, et je ne suis pas sûre de tenir le coup en passant à plein temps plus des jeudis de formation à l'IUFM...
    Mais à part ça tout va bien, je suis sûre que l'Etat a fait pleins d'économies...

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  2. (Ton comm' doit être trop long pour Blogger, vu qu'il l'a passé dans la modération comme potentiel spam...)

    Comme disait Lula, Président du Brésil de son état, à je sais plus qui lui demandant de réduire ses dépenses, et en très très gros parce que j'ai pas le détail sous la main, mais l'esprit est là.

    "L'éducation, c'est pas une dépense, c'est un investissement. La vraie dépense, c'est quand tu dois construire et entretenir les prisons où tu mets les délinquants qui sont devenus délinquants parce qu'il n'ont pas eu d'éducation".

    Je crois que je l'aime, lui.

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  3. Pas mal, pas mal... Tu crois qu'ils ont besoin de profs de français au Brésil ?

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  4. Sans doute, entre deux cours d'espagnol et d'anglais qui doivent prédominer...
    Envie d'apprendre le portugais ? :D

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